Que contient la réforme des retraites 2023 ?

La mesure phare de la réforme des retraites difficilement adoptée en 2023 est le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62 depuis la réforme Fillon de 2010, avec pour objectif de pérenniser le système français de retraite obligatoire par répartition soumis à des déséquilibres croissants.

Le texte de loi promulgué le 14 avril 2023, complété par de nombreux décrets d’application, intègre en réalité un ensemble de mesures révisant notre système de retraites.

My PENSION décrypte pour vous les modifications apportées par la réforme des retraites adoptée en 2023 : recul de l’âge de départ à 64 ans, carrières longues, petites pensions, disparition de régimes spéciaux…

Contexte et adoption de la Réforme des Retraites de 2023

Le système de retraite obligatoire par répartition tel que nous le connaissons aujourd’hui date de 1945. A l’époque, l’âge de départ est fixé à 65 ans et la durée minimale de trimestres cotisés à 120 trimestres.

Plusieurs réformes sont venues modifier ces paramètres. La réforme Mitterrand de 1982 abaisse l’âge de départ à 60 ans mais fixe à 150 trimestres la durée de cotisation.La réforme Balladur de 1993 augmente la durée de cotisation à 160 trimestres et indexe les pensions sur les prix plutôt que les salaires. La réforme Woerth de 2010 porte l’âge légal de départ à 62 ans et instaure un âge du taux plein à 67 ans. Enfin la réforme Touraine de 2014 prévoit d’augmenter progressivement le nombre de trimestres cotisés à 172.

Emmanuel Macron souhaite engager un vaste projet de réforme en profondeur dès le début de son premier quinquennat avec l’instauration d’un régime de retraite “universel” à points remplaçant les 42 systèmes existants. La réforme rencontre une forte opposition pendant des mois de grèves et manifestation de la part des principaux syndicats. Elle est abandonnée en mars 2020 en plein confinement lié au Covid-19.

A l’inverse de ce projet abandonné, la réforme de 2023 est de nature paramétrique, à savoir qu’elle joue principalement sur les paramètres (âge légal, durée de cotisation…) dans une optique d’équilibrage financier du système.

La mesure phare de recul de l’âge légal de départ à 64 ans s’est heurtée à une violente opposition des syndicats, des partis d’opposition et de la rue. Ne disposant que d’une majorité relative, le gouvernement Borne a choisi de le présenter au parlement sous forme de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, ce qui a permis un parcours accéléré au parlement et une adoption via le déclenchement de l’article 49-3 après des débats houleux. La loi a été promulguée dès sa validation (hormis quelques mesures) par le Conseil Constitutionnel le 14 avril 2023.

Voici le tableau synthétique des diverses réformes :

Date Age légal de départ (ans) Durée de cotisation (trimestres)
Instauration du Régime 1945 65 120
Réforme Mitterrand 1982 60 150
Réforme Balladur 1993 60 160
Réforme Woerth 2010 62 160
Réforme Touraine 2014 62 172
Réforme Borne 2023 64 172

Les principales mesures de la Réforme des Retraites de 2023

Report de l’âge légal de départ à 64 ans

La mesure phare de la réforme est le recul progressif de l’âge légal de départ à la retraite pour atteindre 64 ans en 2030 au rythme d’un trimestre en plus chaque année à partir de septembre 2023.

Les fonctionnaires dits sédentaires et les contractuels de droit public sont concernés par ce recul de 2 ans dans les mêmes conditions que les salariés.

Pour les agents en catégories dites « actives » (sapeurs-pompiers, infirmiers, aides-soignants…) et « super-actives » (policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé :

  • de 57 à 59 ans pour les catégories « actives » (à partir de la génération 1973)
  • de 52 à 54 ans pour les catégories « super-actives » (à partir de la génération 1978)

Les travailleurs handicapés peuvent partir en retraite à partir de 55 ans sous conditions.

L'âge de départ légal et à taux plein est maintenu à 62 ans pour les invalides.

Augmentation de la durée de cotisation

Pour obtenir une pension « à taux plein » (sans décote), la durée de cotisation requise passe de 42 ans (168 trimestres) actuellement à 43 ans (172 trimestres) d'ici à 2027, au rythme de 1 trimestre par an. Cet allongement était prévu par la réforme Touraine de 2014, mais sur un calendrier moins resserré.

L'annulation de la décote reste maintenue à 67 ans pour ceux qui n'ont pas tous les trimestres requis. C’est l’âge du taux plein automatique.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre page “A quel âge peut-on prendre sa retraite ?”.

Meilleure prise en compte des carrières longues

Avant la réforme, un début de carrière avant 20 ans pouvait permettre un départ anticipé de deux ans (soit 60 ans), et une entrée dans la vie active avant 16 ans pouvait donner droit à une retraite anticipée de quatre ans (soit 58 ans).

La réforme prévoit désormais deux nouvelles bornes d'âge :

  • ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à 63 ans
  • ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans pourront partir à 62 ans
  • ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans pourront partir à 60 ans
  • et ceux qui ont commencé à travailler 16 ans pourront partir à 58 ans.

La durée minimale de cotisations est fixée à 172 trimestres cotisés pour toutes les carrières longues.

Meilleure prise en compte de la pénibilité

Les personnes étant exposées au travail à un ou plusieurs facteurs de risque sur une liste restreinte de critères accumulent des points sur leur Compte Professionnel de Prévention, permettant d'avoir sous certains critères une retraite anticipée, réaliser des formations pour avoir des postes moins à risques ou encore travailler à temps partiel sans perte de salaire.

La réforme assouplit les règles d’attribution de points de pénibilité et élargit le dispositif à de nouvelles professions.

D'autres critères comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques sont pris en compte au moyen d'un nouveau « fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle ».

Disparition progressive de certains régimes spéciaux

Quatre régimes spéciaux sont supprimés dès le 01/09/2023 :

  1. celui de la Régie autonome des transports parisiens (RATP)
  2. celui des industries électriques et gazières (dont EDF, Enedis, Engie…)
  3. celui des clercs et employés de notaires (CRPCEN) et
  4. celui de la Banque de France.

Les personnes recrutées à partir du 1er septembre 2023 sont donc affiliées au régime général pour leur retraite de base et au régime complémentaire correspondant à leur activité.

Les personnes engagées avant restent affiliées à leur régime spécial, conformément à la clause dite « du grand-père ». Leur âge légal de départ sera cependant progressivement reculé de deux ans, passant par exemple à la RATP de 52 à 54 ans pour les conducteurs et de 57 à 59 ans pour certains agents de maintenance.

En revanche les régimes autonomes (financés par leurs bénéficiaires comme celui des avocats ou des professions libérales) et certains régimes adossés à des métiers spécifiques (marins, policiers, égoutiers, pompiers…) ne sont pas concernés..

Revalorisation des petites pensions

La pension minimale, pour les salariés, les artisans commerçants et les agriculteurs qui ont travaillé toute leur vie au SMIC et qui disposent d’une carrière complète à temps plein, est revalorisée jusqu’à 100 euros brut par mois pour les personnes prenant leur retraite à partir du 01/09/2023. Cette revalorisation se fait via l’augmentation du Minimum Contributif qui devient par ailleurs désormais indexé sur le SMIC, et non plus sur l’inflation.

Une revalorisation des pensions minimales est également prévue pour ceux partis à la retraite avant le 01/09/2023. Le ministère du Travail a indiqué qu’une partie d’entre eux percevra cette revalorisation dès l’automne 2023 ; les autres à partir du printemps 2024 avec un effet rétroactif au 01/09/2023. Cette différence temporelle dans le versement de la valorisation s’explique par le travail d’analyse nécessaire afin de déterminer les personnes qui y ont droit.

Le nombre de personnes concernées par cette revalorisation devrait se situer entre 10.000 et 20.000 par an.

En revanche, le projet n’inclut pas la notion de montant minimum universel de retraite..

Nouveaux droits familiaux

Le montant de la pension de certains parents sera majoré. Cette surcote concerne les mères - et les pères - qui ont atteint une durée d'assurance complète (43 annuités à partir de 2027) un an avant l'âge légal de départ à la retraite (64 ans pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1968) et qui bénéficient d'au moins 1 trimestre de majoration au titre de la maternité, de l'adoption ou de l'éducation de l'enfant. Leur pension de retraite de base pourra ainsi être augmentée d'1,25 % par trimestre supplémentaire travaillé entre 63 et 64 ans, de 2,5 % pour deux trimestres et jusqu'à 5 % pour une année entière.

La majoration de 10 % de pension pour enfant dès le 3ème enfant est étendue aux professionnels libéraux et aux avocats.

Les congés parentaux sont valorisés : les trimestres d’Assurance vieillesse des parents au foyer compteront désormais dans l’éligibilité aux dispositifs « carrières longues » (dans la limite de quatre trimestres) et seront comptabilisés dans le calcul de la retraite minimale majorée (dans la limite de 24 trimestres).

A l'image de ce qui existe déjà pour certains régimes de fonctionnaires, les enfants d'un assuré du régime général ont désormais droit à une pension pour chaque parent décédé. La pension d'orphelin peut être perçue jusqu'à 25 ans sous condition de ressources, notamment pour les étudiants et sans limite d'âge pour les orphelins souffrant d'un handicap supérieur à 80 % avant leurs 21 ans.

Mesures spécifiques pour faciliter les départs à taux plein

  1. Les périodes de stages d’insertion professionnelle, et notamment de travaux d’utilité collective (TUC) sont reconnues.
  2. Le tarif de rachat de trimestres est réduit pour les trimestres de stage jusqu’à 30 ans et les trimestres d’études jusqu’à 40 ans.
  3. Les élus locaux pourront plus aisément valider des trimestres pendant leur mandat. Ils pourront désormais cotiser volontairement quelle que soit leur indemnité et pourront racheter des trimestres en cas de faibles cotisations.
  4. Les sportifs de haut niveau pourront racheter des trimestres et valider jusqu’à 8 années de droits (32 trimestres) au titre de leur engagement sportif.

Mesures pour améliorer la transition entre activité et retraite

  1. À partir du 01/09/2023, le cumul emploi-retraite crée de nouveaux droits à pension. Jusqu’ici, ces revenus soumis à cotisations n’ouvraient aucun droit à une pension supplémentaire. Il est désormais possible à l’issue d'une période de cumul emploi-retraite, sous certaines conditions, de demander une « seconde pension » calculée sur la base des mêmes règles que la première pension.
  2. L’accès à la retraite progressive est élargi : jusqu’à présent réservé uniquement aux salariés, aux artisans et aux commerçants, le dispositif est étendu à partir du 01/09/2023 aux fonctionnaires, aux professionnels libéraux et aux avocats. Avec le dispositif de retraite progressive, les actifs peuvent aménager leur fin de carrière à partir de deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite : ils passent à temps partiel et bénéficient en parallèle d’une partie de leur retraite. Ils continuent par ailleurs de cotiser à l’assurance retraite et lors de leur départ en retraite complète, le montant de leur pension est recalculé en tenant compte de cette période à temps partiel.

La réforme des retraites 2023 : Quel impact sur le PER ?

Même si l’épargne retraite est oubliée par la réforme des retraites, elle n’en est pas moins affectée par les mesures proposées. En effet, sachant que les sommes capitalisées sur un Plan Epargne Retraite (PER) ne peuvent être débloquées, sous forme de capital ou de rente qu’après l’âge légal de départ en retraite, si ce dernier est allongé de 2 ans, la disponibilité du PER est aussi retardée de 2 ans. .

Deux années de plus de PER, c’est tout d’abord deux années de plus de capitalisation des sommes versées.

En considérant une gestion pilotée à horizon retraite, compte tenu de la proximité de la retraite, le capital serait largement exposé à des actifs sécurisés (fonds euro de la compagnie pour les PER assurantiels) sur lesquels les rendements nets pourraient être de l’ordre de 1,5%. La prolongation de 2 ans peut ainsi augmenter mécaniquement le capital d’environ 3%.

Deux années de plus de PER, c’est aussi l’occasion, si l’épargnant le peut, de continuer à alimenter son PER en bénéficiant de l’avantage fiscal de déductibilité du revenu.

Si on considère un PER alimenté par des cotisations fixes pendant 20 ans, le fait de passer à 22 ans fait progresser le capital versé de 10%. Dans la réalité, l’effet peut être plus important si l’actif a alimenté son PER en proportion de son salaire dont le niveau est plus élevé à la veille de sa retraite. Les deux effets précédents se cumulent et font envisager une augmentation du capital disponible à la liquidation qui peut être significative.

L’âge à la liquidation du PER influe également sur la rente servie pour ceux qui choisissent cette option. En effet, la rente est calculée comme la division du capital accumulé par l’espérance de vie de l’épargnant (moins éventuellement des frais dits d’arrérage ou de service de la rente). L’espérance de vie est calculée selon des tables de mortalité normalisées qui dépendent de votre contrat et ne sont pas modifiées par la réforme des retraites.

Deux années de plus de PER, c’est selon ce calcul deux années de moins d’espérance de vie, et donc une rente améliorée.

A titre d’exemple, la rente servie à 62 ans à une personne née en 1968 pour un capital de 100 000 EUR selon la table de mortalité TGF05 (en vigueur pour la quasi-totalité des PER récents) est de 3.083 € par an. Si elle part désormais à 64 ans en 2032 au lieu de 2030, sa rente annuelle passe à 3.269 € par an (+6%). Si elle a par ailleurs versé sur son PER 5.000 € pendant les deux années supplémentaires et que ses investissements ont progressé de 1,5% par an, elle disposera de 113.150 € à 64 ans et sa rente sera de 3.699 € soit une augmentation de 20% par rapport à celle servie à 62 ans.

Chaque cas étant différent, My PENSION vous invite à utiliser son simulateur d’épargne retraite en accès libre pour calculer l’impact d’un recul de votre âge de départ en retraite.

Les commentateurs s’inquiètent souvent du faible taux d’emploi des seniors et donc de la perspective pour de nombreux actifs d’une période de chômage plus longue avec la retraite à 64 ans. Le PER peut éventuellement servir d’appoint dans des cas d’extinction des droits au chômage avec la possibilité de faire un retrait anticipé partiel sans fiscalité.

L’allongement de la durée de cotisation n’a en revanche pas d’effet direct sur l’épargne retraite supplémentaire. Mais, en augmentant le déficit de trimestres de ceux qui veulent partir sans avoir rempli la condition de durée de cotisation, il amplifie la décote pour un départ au même âge et diminue la pension de retraite.

Il est alors particulièrement important d’avoir prévu une épargne retraite supplémentaire et il convient de se poser la question d’augmenter ses versements, si possible, pour compenser cette perte de revenu à la retraite.

De plus, il est parfois possible de racheter des trimestres antérieurs de cotisation en bénéficiant d’un avantage fiscal.